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ONG : Entre auto-satisfaction et progrès fondamental

Voici une réflexion que j’avais conduite entre 2000 et 2005 dans le contexte camerounais sur les ONG. La relecture de ce document aujourd’hui ramène les mêmes questionnements. Tout progrès en organisation étant fondé sur le questionnement, je partage avec vous la réflexion. L’émergence des organisations de développement au Cameroun est en réalité une histoire de longue tradition. On peut retrouver dans les périodes d’après indépendance une dynamique portée par des acteurs venus de l’Etranger et qui n’œuvraient pas moins dans le champ appelé aujourd’hui « développement ». C’est cependant dans les années 80 que l’on va voir se former les premières structures dirigées par des camerounais et qui se donnent pour vocation d’améliorer les conditions de vie des populations. Cette période est caractérisée par un nombre faible d’acteurs à cause du contexte institutionnel qui reste restrictif, et par une préférence clairement marquée pour le monde paysan qui est alors perçu comme l’espace devant produire ces améliorations de vie. Le développement agricole passait à cette époque pour être la seule voie de sortie des pays africains vers une émergence économique forte et la société civile, peu représentative à l’époque, s’y était lancé en échos aux politiques globales d’alors. Si après plusieurs années, la désillusion sur les résultats escomptés avait commencé à pointer, c’est surtout les secousses liées à la crise économique et au vent de démocratisation qui vont définitivement sonner le glas de cette vision du développement. Les ONG et associations nationales ou internationales qui sont sur le terrain sont obligés de se mettre à l’évidence, elles sont loin des objectifs initialement visés.

Avec le souffle de démocratie et la réorganisation du contexte des libertés, notamment la loi de 1990 sur les libertés d’association, un nouveau mécanisme alternatif va prendre le relais de ce premier mouvement des années 1980. Une pléthore d’associations, puis de groupes d’initiatives communes avec la loi de 1992 sur les GIC, vont prendre d’assaut la scène sociale. L’objectif affiché est celui de lutter contre la pauvreté. L’enthousiasme de ces groupes va d’ailleurs attacher la sympathie des partenaires au développement qui appuient, parfois sans réserves, la foule d’initiatives et de micro initiatives qui émergent spontanément de gauche à droite. Dès le milieu des années 90, notamment entre 1994 et 1997, le constat lui aussi est peu reluisant. La plupart des structures créées se sont évanouies, parfois aussi soudainement qu’elles sont nées ; et surtout, les problèmes sociaux que ces organisations voulaient résoudre, se sont démultipliés en prenant des formes plus complexes, pendant que l’Etat affichait de plus en plus son impossibilité d’omniscience, d’omnipotence et d’omniprésence.

Entre 1997 et 2000, la structuration des organisations de la société civile va se redéfinir. Un souci de professionnalisation de ces organisations va produire un multitude de tentatives de regroupements et une redéfinition des actions. Un nouveau cadre juridique entre d’ailleurs en vigueur en 1999 pour régir de façon spécifique le vocable d’ONG et le chemin pour s’approprier celui-ci. Partout néanmoins, il est clairement question cette fois, d’améliorer les cadres de vie et les conditions de vie des populations ou de renforcer les capacités d’autonomie financière de celles-ci par l’auto promotion. Les organisations sociales redécouvrent leur rôle d’appui. Malheureusement, la période des bilans qui va aller de 2002 à 2004 va également révéler que les ONG non seulement n’arrivent pas à se donner la mesure structurelle nécessaire pour porter une certaine force de persuasion et de lobbying, mais aussi, les objectifs assignés restent relativement faiblement atteints. Il n’y pas de force alternative capable de négocier et d’influencer de manière véritablement sensible les politiques et les réalités. Tout est à l’échelle micro où se perd la vocation réelle d’une force sociale digne de ce nom.

Entre 2002 et 2004, plusieurs regroupements évaluatifs vont amener les ONG et associations à se regarder dans un miroir et à essayer de diagnostiquer leurs points faibles et leurs perspectives. Le forum de Mbalmayo, l’étude sur les acteurs non étatiques de l’union européenne, les études préparatoires des programmes FACILS ou encore du PCPA et une foule d’autres initiatives conduites parfois par des partenaires isolés vont tenter de réinterroger les organisations sociales. Ce que tous ces diagnostics révèlent, comme d’un commun accord, c’est que les ONG souffrent de problèmes structurels et organisationnels forts.Par conséquent, la réalisation de la finalité qui vise expressément la pleine satisfaction participative des besoins de la collectivité dans toutes ses dimensions culturelles, sociales, économiques et politiques rencontre des contraintes. Celles-ci sont liées à divers facteurs entre autres :

  • La structuration inadéquate des ONG qui influence les résultats d’impact sur les cibles pressenties ;
  • La dispersion d’énergie liée simultanément à la complexité du portefeuille et au déficit des capacités de gestion ;
  • Le saupoudrage des actions sur les cibles ;
  • La non actualisation des besoins réels des populations à la base.

Aussi l’objectif d’auto prise en charge des populations bénéficiaires reste un challenge pour les partenaires au développement. Il y’a donc un problème institutionnel que doivent pouvoir lever les OSC. Ce problème réside essentiellement dans le fait qu’il faut pouvoir construire des structures institutionnellement fortes, crédibles et stables.

Mais il y’a aussi un problème actionnel. Parce qu’on ne peut pas aller jusqu’à croire qu’en devenant une organisation de référence, on a ipso facto un apport déterminant et sensible dans la vie sociale. En considérant que dès le début des années 2000, et ce malgré les difficultés mentionnées plus haut, il y’a eu une émergence d’organisations qui se sont positionnées de manière à jouer un rôle fortement sensible dans des secteurs aussi divers que la lutte contre le VIH/SIDA, la promotion de l’émergence d’une économie locale favorisée par les pouvoirs publics ou la prise en compte de la diversité d’acteurs sociaux dans les politiques de l’Etat, on peut conclure que le problème actionnel se trouve lui dans les stratégies et les méthodologies des acteurs.

C’est ici malheureusement que le bât blesse. Toutes les réponses stratégiques et méthodologiques des ONG en Afrique relèvent pour le moment de l’importation et de l’effet de mode. Voilà une question sur laquelle, il faut absolument orienter les réflexions pour faire émerger un mouvement associatif qui puise de par lui-même ses fondements actionnels.

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Paul Armand

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