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Volontaire africain : Cahier d’un retour au pays natal

On parle beaucoup du choc culturel aux jeunes qui veulent partir dans des missions de volontaires à l’Etranger. Et cela est important et normal. Il y a en effet une structuration du vécu de l’expatriation que l’on observe presque systématiquement chez les jeunes volontaires quelle que soit leur nationalité. Il y a cependant une réalité dont on parle peu à ces jeunes. C’est le choc du retour au pays. Je dédie cet article en particulier à la promotion 2011 des volontaires francophones que j’ai eu le privilège de préparer à Paris. Olivier, l’un des VIF 2011 à Ouagadougou, m’a inspiré cet article.

 Lorsqu’on devient volontaire, qu’on est africain, qu’on va à l’Etranger dans une situation professionnelle…le vécu est particulier. J’entrerais dans les détails dans un autre article, mais en attendant, disons simplement qu’il est fait de contemplations, de rêves, de projections. L’image de soi change beaucoup même si l’on a du mal à s’en rendre compte et le regard sur la vie et sur le monde évolue. C’est un des immenses bénéfices personnels de ce genre d’expériences.

Echanges et défis, travail et performances, bref, beaucoup de choses contribuent à faire imaginer l’avenir autrement jusqu’à ce qu’approche la fin du contrat.

Premier heurt…Pas de réponse positive à tous les dossiers qu’on a déposés. On réalise que le monde du travail ne nous perçoit pas comme on pensait qu’il nous percevrait. La valeur, voire la plus-value qu’on croit avoir obtenu…semble ne pas être si évidente que cela pour les recruteurs qui ne se bousculent pas…on est jeune avec aussi peu d’expérience de haut niveau que les autres…on l’avait oublié un peu à cause du caractère international de l’expérience de volontariat international.

Et puis le jour du départ approche…et là, c’est le stress complet. On réalise que c’en est fini véritablement de notre expérience…mais aussi qu’on retourne à l’inconnu…

En réalité, ce n’est pas l’inconnu qui fait peur…c’est le passé. Parce que dans l’imaginaire populaire, on ne va pas à l’Etranger pour revenir au passé, mais pour aller vers un futur meilleur…rentré au passé est presque synonyme d’échec.

La vision est fausse…mais elle est réelle et forte. Tant et si bien que parfois, elle paralyse et crée des mécanismes capables de retenir même l’albatros le plus puissant sur terre.

Puis l’instant tant redouté arrive…celui où on arrive au pays.

Les youypus accueillent à l’aeroport…puis la maison se remplit de tous ces visiteurs venus rendre visite à au professionnel expatrié. Tout le monde a oublié qu’il s’agissait juste d’une expérience de volontariat…et les premières questions montrent que tous ont oublié qu’elle était juste pour un moment : « Tu rentres quand ? », « tu fais comment après ». Autant de questions qui amènent à la conscience un sentiment de douleur…on aurait tant aimé avoir la réponse…

Voici venu la réalité…Le regard des autres qui auront oublié que tu n’étais que volontaire et que ce n’était que pour 12 mois et que le travail international, ce n’est pas encore l’entreprise dont le paternel est le PDG…Les problèmes sociaux qui vont assaillir avec les “où est mon iphone”, « ton cousin a besoin de cahiers », « je veux lancer mon petit business », etc…Le pays qui va énerver avec les différences qui vont te sauter aux yeux…les routes sales, les comportements bizarres des gens, les policiers ripoux, les fonctionnaires corrompus, les gens paresseux et toujours prêts à réaliser un sale coupe…ces choses qui avaient disparu du quotidien et qui vont subitement revenir avec brutalité parfois…Les spécificités du pays avec les deuils à tout bout de champ, les nouvelles de maladies, tout cela va dégouter.

La réalité est dure…Alors qu’on était bien au chaud dans son petit appart, voilà qu’on se retrouve au domicile familial une fois au pays…papa, maman, frères et sœurs avaient fini par s’habituer et même se faire une fierté de cette absence…mais là, il va falloir s’habituer à partager à nouveau la chambre, à se faire à l’idée que le frigo n’est pas à soi…à vivre avec ces petites piques familiales devenues si étrangères…alors que dans le cœur de tous…on aurait tant souhaité qu’il n’y ait plus ce retour en arrière..personne ne le dit, au contraire, tout le monde accueille, mais au fond, on sait qu’un autre schéma aurait été meilleur…

La réalité est douloureuse parfois…”Il est parti à l’Etranger et il revient comme il est parti alors que tel est parti et il est revenu avec une voiture“…” il croyait qu’il était arrivé…le voilà qui est dans la case dans son père, incapable même de se payer une maison“….une remarque bien africaine pour dire qu’on a échoué…comme si le volontariat ou l’expatriation était un visa pour la cave de Picsou…et une remarque qui a tendance à faire réagir pour faire taire les méchantes langues…

Et voilà donc notre volontaire sous le poids d’une nouvelle réalité, d’un choc pour lequel il n’était pas suffisamment préparé. Et voilà qu’au lieu d’avoir à l’esprit son destin professionnel, il est surtout à gérer sa nouvelle réalité.

Parfois cette nouvelle réalité devient si importante qu’elle enfonce…on passe des mois à mentir sur le retour à l’Etranger ou sur le prochain boulot qui se dessine alors que tout est complètement flou ; des mois à raconter sa vie et ses exploits à l’Etranger alors que la fiction finit par se confondre avec la réalité ; des mois à dénigrer son pays alors qu’il y a de cela quelques temps, on était habitué; des mois à attendre qu’un miracle se produise…des mois à se mourir jusqu’à ce qu’on épuise son crédit de potentialités de redécoller tout de suite après…

Oui, les retours peuvent être difficiles et dévastateurs…et c’est bien assez dommage qu’on ne prépare les volontaires africains à cela.

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Paul Armand

Paul Armand

Comments

16 Comments

  • Eh oui mon cher Paul Armand, le cahier du retour se rempli à l’encre rouge, qui sur des feuilles blanches gribouille des graffitis existentiels, graffitis obéissants à la loi du retour du volontaire africain tombé de son piédestal. Merci Paul Armand, pour cette mise au point !

    Reply
  • Eh oui mon cher Paul Armand, la cahier du retour se rempli à l’encre rouge, qui sur des feuilles blanches gribouille des graffitis existentiels, graffitis obéissants à la loi du retour du volontaire africain tombé de son piédestal.
    Merci Paul Armand, pour cette mise au point !

    Reply
      • Merci Paul. Ton blog est bien élaboré. moi j’en ai un tu peux le voir et me filer quelques astuces pour l’améliorer. voici le lien : ivorybibliodoc.wordpress.com

        J’espère qu’on se verra à Paris pour le stage de préparation !

        Reply
        • Rebonjour Sylvestre,
          Je ne puis te confirmer si je serais à Paris ou pas pour votre stage de préparation. Cela dépend de beaucoup de paramètres.
          J’ai visité ton blog et je trouve qu’il y a de l’ambition. Personnellement, j’encourage tout ce qui est production de contenu sur le web, notamment de la part des jeunes en Afrique. Je l’encourage encore plus en Français.
          Il y a en effet des petites choses qu’on peut améliorer sur ton blog. Je te propose que nous en reparlions par mail. Tu trouveras les mails liés à ce blog à la rubrique “contact”.
          A bientôt
          Paul Armand

          Reply
  • Salut,

    J’ai lu tout ton article et peut etre je devrais lire les autres parties liées à celui-ci avant de me prononcer. J’appréhende un peu de lire la suite.

    Je n’apprécie pas beaucoup la tonalité générale de cet article. Tu décris le départ du pays natal du futur volontaire comme une “chance” et noircit un peu trop son retour à son pays natal.

    Il y a un adage populaire que j’aime bien : si tu ne sais pas où vas, alors tache de ne pas oublier d’où tu viens.

    Je ne suis pas volontaire, mais je connais un peu le principe. A moins de travailler à Genève, les contrats de mission sont en CDD et qui dit CDD, doit se préparer à 6 mois de la fin de son contrat à chercher à le renouveller si c’est possible ou à chercher ailleurs. Ce n’est pas comme si, on arrive un matin et on te mets dans l’avion back home. Aussi, je trouve tout à fait désolant que des personnes qui ont eu de l’opportunité de découvrir autres horizons , cultures, moeurs , us, techniques de travail, reviennent aux pays squatter chez les parents et s’étonner que rien n’a changé. Qu’ont ils fait avant de partir pour changer des choses au moins à leur niveau ? Etaient ils dans des grottes pour ne meme pas s’informer sur leur pays natal, pays qu’ils risquent de regagner sous peu, si le contrat n’est pas renouvellé ?

    Ce que tu décris ne s’applique qu’aux volontaires. Meme un local peut connaitre ce type d’aventure : Paul vient de trouver un boulot en interim pour 6 mois, au bout de la période un CDD lui est offert de 3 ans (avec possibilité de renouvellement). Sa vie change bien évidemment, il quitte le logis familliaux, se prend un petit studio, sa garde robe change, il a des loisirs qu’il peut financer désormais. etc… Trois ans ça passe vite et malheureusement (la boite compresse) et son CDD n’est pas renouvellé. Un choc… C’est la crise partout, dure de retrouver un boulot, il retourne chez ses parents…Bla bla bla.

    ca n’arrive pas qu’aux volontaires expatriés.

    Il faut etre en alerte et anticiper toujours.

    Reply
    • Merci pour ton commentaire Rose Cerise,
      Si le vécu décrit ici semble commun, il faut dire que le vécu d’expatriation des volontaires est une expérience bien spécifique. Quand on part comme volontaire international et qu’on est Africain, il se crée et se structure un ensemble de processus mentaux qui sont très spécifiques. L’encadrement que l’on a comme volontaire internationale est très différent; l’accueil et le regard dans la structure d’accueil est particulier; les facilités et de nombreuses autres choses qu’on ne retrouve pas forcément dans d’autres vécus professionnels. J’espère y aller en détails dans un autre article.
      Cet ensemble de chose influencent la perception de soi à un niveau qui est souvent beaucoup plus élevé que dans les autres formes de nouvel emploi.
      Mais je suis d’accord, il est important de garder la tête sur les épaules quoi que soit l’expérience qu’on vit. On est plus exposé aux nuages cependant dans certaines expériences que dans d’autres.
      Merci encore pour le commentaire.

      Reply

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